Mari-Naïg Pouliquen est née le 4 octobre 1963 à Paris, elle est architecte dplg.

"Les sculptures de Mari-Naïg Pouliquen, bien qu’élaborées à partir de moulages, gardent le mouvement des rêves qui tourbillonnent dans le vent du printemps. Le vent d’Autan, peut-être, le vent du temps. c’est sûr. Ce qui devrait être tragique, dans ces corps qu’on pourrait dire incomplets, mutilés, devient une fête de couleurs fraîches, qui fait que les corps palpitent à nouveau de mille émotions. C’est le rire d’une femme que l’on entend le plus souvent, non le rire d’une enfant, mais d’une femme qui se souvient de tout. De tout ce qui fait la vie. Cette femme sans visage est habillée par des visages de femmes. Elles n’appartiennent à aucune époque. Ces femmes sont habitées par les visages rencontrés, les slogans entendus, les objets quotidiens, les paysages contemplés. Nul éparpillement pour autant, mais un rassemblement secret qui crée une présence rassurante. Un corps, ce n'est pas une enveloppe de peau pâle, mais un puzzle de souvenirs, de ce qu'on a vu et vécu, de ce qui vous a blessé et réjoui.

Ce regard, Mari-Naïg Pouliquen a su l'imprimer sur des modèles qui vous parlent de la vie, de tous ces espoirs, ces regrets, ces petites images qui finissent par former une histoire. On en entend de belles et de drôles, et il en faut pour affronter le temps, l’usure du corps. C’est l’automne et le printemps réunis en une seule et nouvelle saison. La gravité du sujet s’habille tout d’un coup d’un voile de légèreté. Tout n’est pas dit et nul n’est besoin de mots. Ces épaules vont-elles se détourner ou se retourner ? Que se cache-t-il derrière ce buste qui s’avance fièrement? Rien n’est fermé, tout est ouvert. Il suffit d’un peu d’imagination. Chacun mettra le visage qu’il voudra. Un regard fragile ou des yeux rieurs. C’est comme au carnaval. Entre la vie et le songe. Des regrets peut-être, mais des espoirs aussi. Et un peu de folie. Il faut écouter les rires de ces mannequins arlequinisés et nous aussi nous embarquer pour une improbable Venise. Nos voyageuses ont franchi la nuit et défient le jour."

Éric Mazet.


“Le beau est fait d’un élément éternel, invariable... et d’un élément relatif circonstanciel, qui sera, si l’on veut, tour à tour ou tout ensemble, l’époque, la mode, la morale, la passion. Sans ce second élément, qui est comme l’enveloppe amusante, titillante, apéritive, du divin gâteau, le premier élément serait indigestible, inappréciable, non adapté et non approprié à la nature humaine.”

Comment cette définition du beau, formulée par Baudelaire ne définirait-elle pas l’art de Mari-Naïg Pouliquen ? Dans son œuvre, le premier élément, je l’appellerai “statuaire” avec ses bustes, ses poitrines, ses torses, en référence à ces fragments de statues grecques, troncs mutilés et autres Vénus acéphale, Victoire aptère, dont s’ornent le Louvre et le musée de l’Acropole : art éternel, rêve de pierre.

Quant au second élément, contingent, transitoire, soumis aux variations de la mode, c’est “l’enveloppe amusante”, ce patchwork aux couleurs chatoyantes qui nous parle de cette époque, la nôtre; on y lit game over, route 66, poker, Paris 1925. Ce Paris-là semble un clin d’œil au Paris d’Apollinaire dans son poème Zone avec “Les plaques les lavis (qui) à la façon des perroquets criaillent” les appels des cloches qui aboient; l’Ancien et le Nouveau s’y mêlent. L’art de Mari-Naïg Pouliquen invite ainsi le spectateur à méditer à la fois sur la dualité de ses créations et sur sa propre dualité, car, ajoute Baudelaire, “ La dualité de l’art est une conséquence fatale de la dualité de l’homme.” Assumera-t-il cette dualité que lui tendent en miroir ces créations ?

Cette dualité, l’art grec semble l’avoir anticipée : les statues, les temples n’étaient-ils pas peints de vives couleurs dont les traces sont parvenues jusqu’à nous?

L’art de Mari-Naïg Pouliquen? Une dualité, peut-être même, un art oxymorique.

Serge Kanony



"Il y a des courbes indéfinissables, celles reliant chaque centimètre carré du derme à l'âme vivant en profondeur.

Mari-Naïg nous offre les pleins et les déliés de l'onirisme des corps et l'acceptation de leurs imperfections hors l'image glacée médiatique. Ses œuvres sont force et fragilité par leur suspension temporel et réel tel un poème de Lamartine.

En même temps, elle nous fait traverser notre propre histoire en l'imaginant généreuse par la juxtaposition de trames colorées. Nous sentons la douceur maternelle et charnelle de ses mains modelant le voyage de ce segment humain en le livrant à l'éternité.

Mari-Naïg est une conteuse entre les lignes de l'existence. Elle nous appelle à une traversée du miroir, en Cocteau optimiste, de la féminité en heureuse liberté."

Christel Roels


"Les images composites, les couleurs métissées dont sont recouverts des corps incomplets, des formes voluptueuses nous interpellent.

On s’approche alors de ces singuliers moulages ; on examine leurs détails ; ils nous font sourire ou nous effrayent mais toujours ces allégories nous fascinent. On cherche alors à comprendre ; on trouve des idées, on y ajoute nos obsessions.

 

Et Voilà : on est envouté !

Mari-Naïg Pouliquen traduit par le beau, le très beau, nos émotions, nos sentiments face aux tourments, aux joies et aux questions des femmes. Elle prend pour objet ce qui nous concerne intimement, nous renvoie aussi bien à des thèmes éternels qu’à des aventures particulières. Elle parle de la fille, de l’amante, de la mère mais aussi de cette voisine malade ou d’une jeune fille violée qui occupe la une. Son art nous touche et nous laisse aller à la rêverie. A travers chaque moulage s’expriment les personnages d’un conte ou d’un reportage et au fil de ces histoires Mari-Naïg Pouliquen parvient à nous comprendre toutes.

Quant à moi, je me suis laissée emporter dans cet univers. Comme Alice aux pays des merveilles je me suis promenée au milieu des symboles, facéties, souvenirs paisibles ou visions de cauchemars. Oui j’ai cherché à interpréter cette œuvre mais elle est multiple, complexe, intrigante. Les mots jetés çà et là nous proposent une direction parfois trompeuse parce qu’il y a deux faces aux sculptures l’enveloppe livrée, sociale et l’intime profond et secret. Et si finalement je me perdais sans réfléchir dans ce dédale d’images, ce labyrinthe de formes, d’expressions, de couleurs, étourdie par l’abondance hypnotique des signes …"

Sabine Bourges